Ce que vous devez savoir avant de participer à un marché français cet été. Entretien exclusif !

08 • 06

Alors que l’industrie audiovisuelle canadienne se prépare à un été de festivals et de marchés en ligne (dont le MIFA, Cannes et Sunny Side of the Doc en France), nous avons voulu vous offrir un aperçu de ce qu’est la coproduction et la distribution avec des partenaires français ! Nous nous sommes entretenus avec Constance Richard, Déléguée Commerciale, Industries culturelles, Ambassade du Canada en France, afin d’obtenir des informations sur les possibilités de faire des affaires avec la France et d’en savoir plus sur son rôle.

Quel soutien une Déléguée Commerciale peut-elle offrir pour la sortie et l’exportation d’un produit canadien en France?

Mon rôle au sein du Service des Délégués Commerciaux est d’accompagner les sociétés de l’audiovisuel tout au long de leur projet d’exportation. Qu’il s’agisse de répondre aux nombreuses questions, de mettre les entreprises canadiennes en contact avec de potentiels partenaires français, d’identifier des opportunités d’affaires, de faire des mises à jour sur l’environnement économique et légal ou, tout récemment sur l’impact de la crise de la COVID-19 sur l’industrie audiovisuelle française, mon rôle peut être très varié. Enfin, je suis également présente dans les différents marchés en France afin de faciliter les mises en contact, soit individuellement, soit par le biais d’activités de réseautage. Je serai ainsi présente virtuellement à Cannes, Annecy et La Rochelle et disponible pour vous rencontrer !

Que peut offrir le marché français à une entreprise voulant produire ou distribuer un produit audiovisuel?

Le marché français donne accès à un écosystème de production unique en son genre avec des sources de financement variées (Centre national du cinéma et de l’image animée et télédiffuseurs, mais aussi les régions et les Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel). Il offre également un crédit d’impôt facile à utiliser, des règles qui favorisent les productions indépendantes et audacieuses, et une synchronisation avec les médias qui permet l’exploitation des films dans le temps. Si ce contexte est particulièrement alléchant, et largement convoité à l’étranger, il demeure toutefois plus difficilement accessible aux pays non européens qui ne sont pas éligibles aux quotas de diffusion. Cependant, la situation tend à évoluer favorablement pour le Canada puisqu’il est maintenant membre du fonds européen Eurimages.

Quels sont les enjeux français que les Canadiens devraient prendre en considération?

Tout d’abord, le droit d’auteur français est différent du droit d’auteur canadien. Il se décline en droits patrimoniaux qui régissent l’exploitation et la rémunération des œuvres et des droits moraux, attribués à l’auteur de manière incessible et perpétuelle. Dans le cadre d’une coproduction, par exemple, je recommande vivement de faire appel à un avocat qui connaît bien les environnements juridiques des deux pays.

L’Europe intervient aussi dans la législation audiovisuelle, notamment par le biais des quotas de diffusion. Afin de s’adapter à l’ère numérique, cette législation a été révisée en 2019. Elle rend notamment les plateformes juridiquement responsables des contenus qu’elles diffusent, les forçant à s’assurer du respect du droit d’auteur et à rémunérer les artistes en conséquence.

Comment financer son film avec les bons partenaires français? Quelles sont les premières questions à se poser ?

Pour trouver le bon partenaire français, vous devez tout d’abord savoir ce que vous cherchez : avez-vous un projet déjà en développement ? Le cas échéant, à quel stade est votre projet ? Il est également utile de définir les points négociables d’un projet : par exemple, êtes-vous prêt à renoncer à une part majoritaire pour vous associer avec un coproducteur français? – Constance Richard

Mon rôle est justement d’aider les producteurs canadiens à trouver le partenaire le plus adapté à leur projet, et ce sont des réflexions que nous pouvons mener ensemble.

Par ailleurs, il est important de bien développer votre réseau et de vous associer à un coproducteur que vous connaissez relativement bien. À cet effet, afin d’aider les producteurs à élargir leurs contacts, nous organisons régulièrement des activités de réseautage dans les marchés français tels que le MIFA à Annecy ou encore le MIPCOM à Cannes.

Maintenant que nous avons abordé le thème de la production, parlons de la distribution. Quelques conseils pour quelqu’un cherchant à distribuer un film en salle, ou à la télévision versus en VOD ?

Distribuer un film canadien en France est une prise de risque financier puisque le distributeur français n’aura pas accès au soutien financier français ni européen, et que le télédiffuseur devra l’exclure de ses quotas de diffusion (puisque le film n’est ni majoritairement français ni européen). Toutefois, la renommée d’un réalisateur ou d’un acteur peut certainement favoriser l’intérêt des distributeurs et des télédiffuseurs. Si par sa proximité linguistique, culturelle, et historique, le Québec occupe une place particulière sur le marché français, on y remarque aussi une présence grandissante du cinéma du reste du Canada, anglophone et francophone. À titre d’exemple, 19 films et coproductions canadiennes ont pris l’affiche en France en 2019 rassemblant plus de 800 000 spectateurs, parmi eux C’est ça le paradis? d’Elia Suleiman, Matthias et Maxime de Xavier Dolan, et La Chute de l’empire américain de Denys Arcand.

Du côté de la VOD, la plupart des plateformes mondiales sont disponibles en France (Netflix, Amazon Prime, Disney +). Toutefois, il faut aussi relever l’existence de plateformes indépendantes qui misent, elles, sur une offre resserrée autour d’une ligne éditoriale affirmée, telle que Tënk sur le documentaire, ou encore Universciné sur le cinéma indépendant. 

Chaque année, nous organisons l’événement « Eye on TIFF », en collaboration avec Téléfilm Canada, afin de présenter aux distributeurs, diffuseurs et vendeurs internationaux français des films canadiens disponibles à la vente.

Quelles sont les tendances actuellement pour les différents marchés français?

Souvent qualifiée « d’exception française » dans le contexte international, l’industrie française est aujourd’hui dans une relative bonne santé. Cela se traduit par une production élevée et diversifiée (301 films produits et près de 5 000 heures de programmes audiovisuels soutenus par le Centre national du cinéma et de l’image animée en 2019), largement favorisée sur le marché local.  

Cependant, à l’heure de la mondialisation et des plateformes numériques, le modèle français de production et de soutien est en train d’être repensé. On observe une tendance à l’internationalisation, grâce notamment à la coproduction. En ce sens, le Canada est un partenaire avantageux (accords de coproduction pour le cinéma et la télévision, accès à des aides et des crédits d’impôt dans les deux pays, proximité linguistique, etc.), se plaçant en cinquième position en tant que partenaire de coproduction cinématographique avec la France. En 2019, les coproductions entre les deux pays ont même atteint leur plus haut niveau depuis cinq ans, avec notamment Lucky Day de Roger Avary et Maria de Theodore Ty.

La situation de la télévision est similaire. Pour rester compétitifs par rapport aux plateformes numériques, les télédiffuseurs vont miser sur des projets plus ambitieux en termes de budgets, d’audiences, et de choix artistiques. Citons par exemple la série de fiction Maroni, les fantômes du fleuve coproduite par Take the Shot et FrenchKiss pour ARTE France, ou encore la série documentaire Apocalypse dont certaines saisons ont été coproduites par Idéacom pour France 2.

Pour conclure, si j’envisage de tourner un film en France. Par où dois-je commencer?

Il est important de définir ce que vous recherchez précisément et à quel stade du financement se situe votre projet. Si ce dernier n’est pas terminé, un producteur français pourrait apporter une participation minoritaire et ainsi donner accès à certaines formes de soutien français. À l’inverse, bien que le tournage en France puisse s’avérer coûteux (taux de change défavorable, charges sociales parmi les plus élevées d’Europe, etc.), le fait d’avoir un producteur de services, plutôt qu’un coproducteur, pourra vous donner accès à un crédit d’impôt avantageux. Vous devrez donc peser le pour et le contre, et vous entourer de partenaires de confiance, et mon rôle est justement d’accompagner et de soutenir les maisons de production tout au long de ces démarches.

Tout au long de l’année, je suis l’évolution du marché français, alors n’hésitez pas à me contacter pour toute question. Si je n’ai pas la réponse, je me ferai un plaisir de trouver quelqu’un qui l’a!

En prime - Les questions à se poser avant de participer à un marché français cet été!

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