Une grande partie de la présence canadienne au MIFA cette année est contenue dans la participation de deux programmes d’apprentissage pilotés par l’ONF : Hothouse et Alambic.
Afin de mieux comprendre ce que ces cohortes réservent au public du festival et du marché, nous nous sommes entretenus avec Anne-Marie Bousquet, qui pilote le programme Alambic, et Maral Mohammadian, qui s’occupe pour sa part du volet Hothouse.
Les réponses ont été condensées pour des raisons de longueur.
Pouvez-vous me parler un peu des programmes de mentorat que vous pilotez?
Maral Mohammadian (MM) : Le programme anglais de l’ONF a un programme d’apprentissage nommé Hothouse, conçu spécifiquement pour les cinéastes d’animation émergents. C’est un programme de production professionnel dans lequel les participants font un film d’une minute sur une période de trois mois, typiquement, allant de la conceptualisation à la finition, avec l’aide de mentors et à l’intérieur de la culture d’animation d’auteur de l’ONF. Ce n’est pas hâtif et grossier mais bien intense et extraordinaire – pensez aux serres horticulturales, dans lesquelles les jardiniers créent des conditions de pousse optimales afin d’encourager le florissement de fleurs exotiques en quelques semaines plutôt que quelques mois.
Hothouse est ouvert aux créateurs canadiens émergents à travers le pays. Il se limite généralement à six candidats qui travailleront avec une équipe professionnelle et perfectionneront leur art ainsi que leur voix artistique. Notre but est d’offrir du soutien aux nouvelles voix en plaçant une emphase sur le rôle de l’ONF comme producteur créatif et distributeur. C’est en quelque sorte une expérience prototype pour une collaboration plus grande par après, mais les anciens finissent aussi par faire des films indépendants ou par travailler dans l’industrie.
Le programme est devenu un percolateur de talents de renom avec une bonne reconnaissance et a aidé à créer une nouvelle génération vibrante de cinéastes d’animation au Canada, avec 79 diplômés à ce jour. Fondé en 2003, Hothouse a été conçu par le producteur exécutif du studio d’animation à l’époque, David Verrall, aux côtés du producteur Michael Fukushima. Nous avons récemment complété la 13e édition sous la nouvelle structure du studio interactif et d’animation de l’ONF.
Anne-Marie Bousquet (AMB) : Je pilote le projet Alambic. Il s’agit d’une nouvelle initiative destinée à la relève en animation. Après vingt-trois éditions du concours Cinéastes recherchés, le Studio d’animation du Programme français de l’ONF a eu envie de rebattre les cartes et d’essayer une nouvelle approche pour rejoindre la relève en animation francophone. Alambic est un laboratoire de création qui permet à trois réalisatrices-artisanes et réalisateurs-artisans émergents, peu importe leur âge, de créer un court métrage d’animation de quarante-cinq secondes à deux minutes dans un délai de six mois.
L’idée qui sous-tend Alambic est également de travailler dans un esprit de communauté et de collaboration. Toutes les rencontres de production et de contenu ont lieu avec l’ensemble des cinéastes autour de la table. Ceci leur permet, d’une certaine façon, de participer aux œuvres des deux autres, d’apprendre à se connaître, de s’encourager et de livrer, ensemble, le meilleur d’eux-mêmes et d’elles-mêmes. Tout au long du projet, les réalisatrices et réalisateurs sont entourés de l’équipe du studio, d’une consultante ou d’un consultant expérimenté et de collaboratrices et collaborateurs émergents. L’objectif est de leur permettre de profiter aussi de cette expérience pour développer un réseau de contacts et de partenaires pour leurs projets futurs.
L’utilisation du mot « Alambic » comme titre de cette initiative fait référence à un bouillonnement créatif où les idées se mêlent et où l’imagination se distille, goutte à goutte, pour mieux nous faire connaître l’essence des nouveaux talents. Le mot renvoie également à l’artisanat par sa connexion avec l’outil principalement utilisé dans le monde de la distillerie.
Que représente votre présence dans un festival et/ou marché pour vous? Quels sont les bénéfices d’y être?
AMB : Pour les cohortes d’Alambic et de Hothouse, c’est un beau prolongement de leur participation à une initiative pour la relève. Leur participation à des festivals et à des marchés est une occasion de poursuivre la démarche amorcée en production en leur donnant la possibilité de faire valoir leur œuvre, leur vision, leur talent et de développer un réseau qui pourra certainement les aider à accomplir leurs objectifs de développement professionnel.
Le Canada a toujours joui d’une excellente réputation dans le monde de l’animation à l’international. Comment se porte l’industrie en ce moment?
MM : Il me semble que l’industrie est très vivante en ce moment. La pandémie a frappé un dur coup pour l’industrie en prise de vue réelle, mais la production d’animation a généralement pu continuer sans interruption majeure. À part les films d’animation image-par-image à grande échelle qui demandent des équipes sur les plateaux et beaucoup d’éléments physiques, la majorité de l’animation peut être faite en isolation (les cinéastes d’animation blaguent beaucoup à ce sujet). La majorité des animateurs travaillent de manière digitale et sont habitués aux pipelines virtuels et au travail à distance. Ceux qui travaillent de manière analogue peuvent le faire dans des espaces et avec des équipements modestes.
AMB : On peut également observer une augmentation du nombre de maisons de production privées qui décident de se lancer dans la réalisation de projets d’animation. La démocratisation des outils et leur plus grande accessibilité permettent aussi à beaucoup de réalisatrices et réalisateurs de travailler sur des projets par eux-mêmes, de façon totalement indépendante.
Qu’est-ce qui caractérise la relève de l’animation au Canada, selon vous?
AMB : Je trouve que notre relève se porte bien, elle est belle et engagée. Je pense que ce qui la caractérise est vraiment ce besoin d’engager la conversation et de raconter leurs histoires à leur façon. Il faut dire que le réseau d’écoles d’animation au Québec et au Canada est excellent. On le remarque rapidement par la qualité des films d’animation étudiants qu’on peut visionner dans les festivals et en ligne.
MM : Je remarque que la nouvelle génération de créateurs d’animation du Canada est très conscientisée. Ils sont très intentionnels dans leur façon d’être et de prendre leur place dans ce monde. Côté métier, ils sont très souples et collaboratifs. Il fut un temps où c’était considéré normal de prendre 5 à 7 ans à travailler sur un court métrage d’animation (parce que chaque. Étape. Prends. Tellement. De. Temps.), mais les gens ne veulent plus faire ça. Ils veulent faire de l’art plus immédiat, alors ils recherchent les méthodes qui favoriseront ça.
Ils ont aussi une relation plus naturelle avec la création d’images en général; ils créent et partagent des œuvres quotidiennement, ce qui les rends plus fluide dans leurs échanges avec le public. Je pense (et j’espère) que tout ceci veut dire que l’animation deviens plus accessible aux gens qui ne seraient pas portés a l’étudier de façon formelle. L’animation, c’est très technique, et donc ça peut être très intimidant, voir même inaccessible, pour bien des gens. La technologie a rendu les outils plus faciles à utiliser, et l’obsession culturelle avec les images a rendu (pour le meilleur et pour le pire) ça plus accessible à des gens issus d’horizons divers.
Pouvez-vous me parler des projets qui seront à Annecy?
AMB : L’Office national du film du Canada sera présent au Festival international du film d’animation d’Annecy avec trois courts métrages en compétition : le très attendu Le matelot volant (The Flying Sailor) des cinéastes renommées Wendy Tilby et Amanda Forbis, qui fera sa première mondiale ; Meneath : l’île secrète de l’éthique (Meneath: The Hidden Island of Ethics) de l’artiste primée Terril Calder, Crie-Métisse Orkney ; et Caresses magiques – Doux Jésus de la jeune réalisatrice Lori Malépart-Traversy.
Ces œuvres, toutes signées par des femmes aux talents reconnus et appuyées par plusieurs productrices, marquent par leurs approches artistiques originales, leurs techniques variées et leurs propos uniques, allant de réflexions sur l’existence à l’identité et à la sexualité. L’ONF et ses studios d’animation seront également à l’honneur lors du Studio Focus du 14 juin tenu sur place. Faisant partie intégrante de la programmation officielle du Marché international du film d’animation (MIFA) du festival, le Studio Focus de l’ONF, Nouvelles expressions, se tiendra le 14 juin et mettra en valeur les créatrices et leurs œuvres sélectionnées cette année à Annecy. et mettra en valeur les créatrices et leurs œuvres sélectionnées cette année à Annecy.