Dans ce programme de huit courts métrages canadiens, les réalisateurs et réalisatrices explorent des visions d’un autre monde, des rêves de nouveautés et des réflexions sur des vies passées, s’intéressant à la fois aux moments qui nous définissent et aux horizons plus verts que nous désirons.
Les rêves sont de curieux phénomènes. Lorsque nous sommes endormis, ils nous montrent des visions, même si nous ne voulons pas les voir, et deviennent souvent un reflet étrange ou déroutant des questions qui nous préoccupent dans la vie.
En revanche, lorsque nous sommes éveillés, les rêves nous aident à réaliser un avenir. Ils deviennent des objectifs, nous poussant à faire le point sur notre situation, à réfléchir à la façon dont nous y sommes arrivés et à viser l’endroit que nous voulons atteindre.
Et qu’est-ce qui se passe lorsque le réel et l’irréel se rencontrent? Nous ne sommes pas certains de ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.
Dans Unicorn Code de Martin Glegg, le premier court métrage du programme Talent tout court pour Cannes Court métrage 2021, deux amies nommées Zoe et Iona rencontrent, par une mystérieuse journée d’été, une créature mythique dans un pré. Alors qu’elles approchent l’animal avec incrédulité, elles sont confrontées à un groupe d’hommes qui n’ont pas l’intention de laisser la bête en liberté. Elles feront donc preuve d’une bravoure incroyable.
Ensuite, le documentaire Joe Buffalo d’Amar Chebib porte sur la légende de la planche à roulettes et survivant des pensionnats autochtones, qui a vaincu sa dépendance et les traumatismes de son enfance, pour réaliser son rêve de devenir un planchiste professionnel. Originaire de la nation Crie de Samson à Maskwacis, en Alberta, Buffalo dit de son temps en prison que c’était comme être « un animal en cage ». Son histoire de rétablissement est plus qu’inspirante, et ses prouesses impressionnantes représentent l’expression pure de la liberté.
Dans Tigress de Maya Bastian, les réflexions sur la vie prennent une approche littérale pour Trina, une jeune Tamoule qui rencontre une version différente d’elle-même dans le miroir par une nuit de fête. Cette version, combattante paramilitaire pour les Tigres tamouls, confronte Trina à ses peurs, devenant la manifestation d’un esprit pris entre les privilèges de la vie occidentale et les différentes significations de la rébellion.
D’ailleurs, en parlant des racines et de l’idée de déménager pour en développer de nouvelles, le documentaire Le vent du sud d’Aucéane Roux s’intéresse à la population mennonite grandissante de Val Gagné, en Ontario, une communauté rurale près de la frontière québécoise qui après un exode rural a vu plusieurs de ses terres agricoles abandonnées. Et comme le montre le film de Roux, Val Gagné a un avenir prometteur, car l’arrivée de familles mennonites a insufflé une nouvelle vie à ce petit village.
À environ quatre heures au nord-est de Val Gagné se trouve la ville fantôme de Joutel, au Québec, où Alexa-Jeanne Dubé nous invite à vivre une expérience plutôt fantomatique. Joutel, son court métrage, suit un couple de personnes âgées qui découvre un raton laveur mort dans leur cour. La recherche d’un endroit approprié pour l’enterrer se déroule comme une sorte de requiem : pas seulement pour ce pauvre raton laveur, mais aussi pour ce couple – et pour la communauté où ils ont vécu les plus belles années de leur vie. Avec les visions étranges d’un psychopompe devant eux, comment savoir s’ils ne sont pas morts, eux aussi?
In the Jam Jar de Colin Nixon présente ce même genre d’élégie spectrale. Filmé entièrement dans un cadre circulaire, ce court métrage explore, par le biais d’une narration calme et de scénarios tendres, les souvenirs d’une veuve de son défunt mari, un homme mort dans son sommeil. Ensuite, dans la seconde moitié du court métrage, le fils de la veuve fait de même pour sa mère incinérée. Avec la vision circulaire de Nixon, des images d’un autre monde émergent d’objets ordinaires en gros plan.
Il n’y a rien d’ordinaire à propos de Lover Boy’s Little Dream de Ritvick Mehra, un court métrage en rotoscopie inspiré par les styles d’animation japonaise. Le film suit « Lover Boy », un jeune homme particulièrement épris de Mimi, une jeune collègue. À mesure que le temps passe et que les saisons changent, l’ambition de Lover Boy semble de moins en moins réalisable, mais Mehra n’est pas du genre à nous priver d’une fin heureuse.
Oh et d’ailleurs, entendez-vous sonner les cloches d’un mariage? Taylor Olson, dont le long métrage Bone Cage (2020) a été financé par le programme Talents en vue de Téléfilm Canada, nous présente l’hilarante dernière sélection du programme : Second Wedding. On y rencontre des parents célibataires dans la force de l’âge qui décident de se marier, mais leur union n’a rien de typique (si ce n’est le simple rêve de construire une vie ensemble) et tout – même la mention d’un autre raton laveur mort – est absolument divertissant.
Comme je l’ai mentionné, les rêves – qu’ils soient endormis ou éveillés, qu’ils soient réels ou paranormaux – sont des expériences curieuses. Cela dit, ce fut un rêve de passer du temps avec ces œuvres aussi visionnaires, réfléchies et merveilleusement excitantes.
Talent tout court est rendu possible par Téléfilm Canada, en collaboration avec Ontario Créatif. Ce programme est offert aux détenteurs de badge, dans la VideoLibrary de Cannes Court Métrage, du 12 au 16 juillet.
JAKE HOWELL
Jake Howell est un scénariste et un programmateur de films indépendant de Toronto.